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JUSTICE
Lettre ouverte à Michel Houellebecq




Mercredi 18 septembre 2002.

Slimane benchoui

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Quand on parle de l'Islam, on pense toujours au sort des femmes. Et tout à coup je me suis aperçu qu'il y avait aussi beaucoup d'hommes qui se faisaient horriblement chier dans les pays arabes."

 
Michel Houellebecq

 

Cher Michel,

En septembre 2001, vous avez tenu des propos qui vous le savez, ont profondément blessé la communauté musulmane. Dans cet entretien vous affirmiez notamment que : «la religion la plus con, c'est quand même l'islam...Pour l'Islam, j'exprime plus que du mépris, de la haine...quand on lit le Coran, on est effondré...l'islam est une religion dangereuse et ce, depuis son apparition».

Ce sont des mots durs et crus même si selon certains, ils sont été tenus dans un état d'ébriété avancé. Mais en attendant, vous ne les avez jamais contredits.

Ces phrases sont difficiles parce que méprisantes et elles ont profondément blessé une communauté de femmes et d'hommes confrontée déjà journellement à l'amalgame entre islam et terrorisme.

Des associations sont donc allées demander justice pour retrouver un peu de fierté et réclamer un peu de considération.

Mais comme chacun le sait, obtenir le respect n'est pas une chose aisée, peut-être parce que pour certains, les musulmans ne le méritent pas! Quoiqu'ils en soit, ce procès a singulièrement manqué de retenu, de sérénité. Certains partisans d'un mouvement d'extrême-droite se sont même autorisés à transformer la salle d'audience en une véritable tribune politique, distribuant des tracs, hurlant des slogans hostiles, refusant ce qu'ils nomment la censure des imams mais surtout le refus tout court d'une religion étrangère à la culture française.

Dans ce procès n'a-t-il pas été question en fait, de savoir si le simple fait d'employer le mot islam pouvait autoriser toutes les insultes et tous les dérapages sans pour autant que son auteur puisse être accusé de racisme musulman?

Au recteur de la mosquée de Paris qui estimait que sa communauté était humiliée, sa religion insultée, vous avez répondu : "Quand on dit du mal d'une religion, on ne dit pas forcément du mal des personnes dans leur ensemble (...) Je ne vois pas en quoi critiquer une religion de manière acerbe les met en cause en tant qu'êtres humains." Madame la Procureure vous a d'ailleurs suivi dans ce raisonnement : «On ne peut pas dire que quand on exprime une opinion sur l'Islam, cela implique que l'on attaque la communauté musulmane. Nous ne sommes pas là pour faire ce glissement sémantique»

Ce qui revient à dire qu'en France, insulter l'islam est possible, insulter les musulmans ne l'est pas. Les choses sont donc parfaitement claires: parler de l'islam ( religion musulmane) ne revient pas à parler des musulmans. Une question me vient aussitôt à l'esprit : cette distinction apparaît-elle aussi clairement dans l'esprit des français? Personnellement, la frontière ne me paraît pas aussi tranchée. Un simple coup d'oeuil sur nombres de forums vous le montreront mais vous le savez bien car vous-même, paraissez parfois l'oublier et vous la franchissez allègrement.

Reprenons quelques-uns de vos propos :
"il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé: c'est de voir des touristes arabes à Bangkok. Je ne m'y attendais pas du tout... Je m'imaginais bêtement que les musulmans étaient tous de bons musulmans. Quand on parle de l'Islam, on pense toujours au sort des femmes. Et tout à coup je me suis aperçu qu'il y avait aussi beaucoup d'hommes qui se faisaient horriblement chier dans les pays arabes."

Sans doute vous êtes-vous laissé emporter mais en quelques phrases, vous avez associé ce que vous récusez aujourd'hui, à savoir, arabes, musulmans et islam. Et si je poursuis encore cette lecture :

"Contrairement à l'image qu'on en a, beaucoup d'entre eux n'ont pas la foi et vivent dans la plus totale hypocrisie. Quand ils viennent en Thaïlande, ils sont encore beaucoup plus frénétiques que les Occidentaux dans leur quête du plaisir. ". Dans ce passage, vous avez franchi un autre cap, une autre barrière qui est celle de l'Occident. De là à penser que l'arabe, le musulman et l'islam, c'est le contraire de l'Occident, il n'y a qu'un pas! Je vous laisse le franchir!

En tout cas, preuve en est que le problème n'est pas aussi simple. Et pour être tout à fait honnête, je ne pense pas qu'il existe dans les esprits une dissociation nette entre islam et musulman, entre musulman et arabe...

Malgré ce que vous avez tenté de démontrer, injurier l'islam revient bien à injurier les musulmans.

Donc, en deux mots, a-t-on le droit en France d'être un raciste?
Non! dit fermement la loi.
Mais a t-on le droit d'être un raciste musulman?

"L'expression n'a aucun sens !" répondrez-vous!
- "oui ! répondra peut-être la justice française".
En tout cas, la société française, par la voix de madame la procureure a déjà répondu en réclamant la relaxe.

Chacun pense, dit et écrit ce qu'il veut, c'est une valeur essentielle de notre pays. Mais cela ne suffit pas. Il est trop simple de lancer telle ou telle petite phrase, encore, convient-il également d'assumer ses propos.
Oui, Michel, vous avez avec vos déclarations sur l'islam, méprisé la communauté musulmane.
Mais ai-je encore le droit de le dire? Et aviez-vous le droit de le faire? J'obtiendrais sans doute ma réponse le jour du jugement.

Mais en attendant, rien qu'une petite fois, cessons un peu cette langue de bois, et ne nous réfugions plus derrière de faux raisonnements intellectuels pour tenter de dissimuler la véritable raison de cette discussion :
attaquer l'islam, la montrer ainsi du doigt, la dénoncer aussi violemment sert aussi à exorciser nos peurs, à nous protéger d'un islam violent, extrémiste et intégriste même s'il est minoritaire. Se protéger de l'extrémisme, je suis pour mais pour y parvenir, devons-nous sacrifier une communauté toute entière, paisible et aussi largement tolérante?

Cordialement.

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